The Shift projet vient de publier son nouveau rapport sur l’impact environnemental du numérique et le déploiement de la 5G ! Ci-dessous la présentation de ce rapport à travers leur notre de synthèse qui présente le contexte, les tendances et un plan. Sinon le rapport est disponible à ce lien : Projet Shift Rapport Environnement & Numérique
Comment rendre le numérique compatible avec la trajectoire 2°C ? Quelles débats instruire sérieusement et quels acteurs mobiliser pour un système numérique résilient ? Comment nous saisir aujourd’hui du débat sur la 5G pour construire une gouvernance numérique adaptée et efficace ?
Contexte et constats
Depuis 2018, nos travaux sur le numérique nous ont permis de définir et d’affiner notre vision du concept de sobriété numérique. Les constats ainsi établis ont contribué, notamment grâce à la production de chiffres, à une prise de conscience de l’importance de l’empreinte environnementale du numérique, de son augmentation préoccupante et des raisons systémiques qui conduisent à cette situation. Depuis, les enchères sur la 5G ont eu lieu, et les premiers déploiements ont été lancés en France. Parallèlement, la crise sanitaire nous a rappelé avec force que les technologies numériques font partie intégrante des services essentiels de notre société.
Le contexte du déploiement en cours de la 5G sur nos territoires constitue une véritable occasion de réfléchir ensemble à une trajectoire compatible avec les contraintes énergie-climat pour nos usages numériques et à l’adaptation de nos mécanismes de prises de décisions face à l’ampleur de nos choix technologiques et de leurs implications. Les débats sur nos choix technologiques ne concernent pas une adhésion ou non à la technologie en tant que telle.
Pour qu’ils soient bénéfiques, les débats doivent questionner ce qui motive les directions que nous donnons à notre système connecté, ce qui les justifient et les actions à mettre en place à l’échelle de la société. Revenir sur la cristallisation du débat concernant la 5G va permettre de démontrer la nécessité de construire une discussion collective plus large et plus efficace sur nos choix technologiques, autour d’une gouvernance concertée au service d’objectifs explicites.
Sans réflexion de cette nature, nos politiques et stratégies de déploiement des outils numériques resteront les opportunités gâchées d’une transition numérique qui, bien qu’omniprésente, échouera à contribuer à relever les défis physiques et sociétaux de ce siècle.
Le numérique aujourd’hui : des tendances insoutenables
Nous avons mis à jour nos scénarios prospectifs de 2018. Nos résultats confirment les tendances identifiées, à savoir une part du numérique dans les émissions mondiales non négligeable (3,5 % en 2019) et une croissance préoccupante de ses impacts (+ 6 %/an) incompatible avec la trajectoire 2°C. Les progrès technologiques sur l’efficacité énergétique n’ont jamais conduit à compenser l’augmentation des usages.
Le constat est donc indéniable : l’impact du numérique ne fera qu’augmenter si nous ne nous donnons pas les moyens de le piloter. En l’absence de réinvention des comportements et des modèles d’affaires, le déploiement des nouvelles générations de réseaux (dont la 5G imminente) et le développement des usages associés (IoT, IA, edge computing, usages vidéo très haute résolution sur mobiles) accentueront cette tendance.
Le déploiement de la 5G : une manifestation grandeur nature des tendances insoutenables
Avec une augmentation moyenne de 34 % par an sur la période 2013-2019, la consommation électrique associée à nos usages mobiles dans le monde représente aujourd’hui 1,5 fois celle de nos usages fixes. Ils sont ainsi au cœur des enjeux posés par les tendances insoutenables déjà identifiées en 2018 (et confirmées dans cette mise à jour) et qui motivent aujourd’hui le déploiement de notre cinquième génération de réseaux mobiles.
Sur la 5G, un constat fait consensus : son déploiement en masse sur les territoires entraînera une augmentation de la consommation énergétique associée, notamment de par ses effets induits. Le véritable enjeu réside alors dans le « pourquoi » et le « comment » de ce déploiement. Comment déployer une « 5G raisonnée », par opposition à une 5G de masse ? A quels usages se limiter et comment les choisir ? A-t-on vraiment besoin des services de la 5G à titre individuel et dans quelle mesure va-t-elle contribuer à réduire ou, au contraire, à augmenter la fracture numérique ? Ou doit-on privilégier des usages spécifiques (dans les domaines de la santé et de l’industrie par exemple) ?
Ce qu’a démontré la cristallisation du débat sur le déploiement de la 5G en 2020, c’est que nos mécanismes de prise de décisions ne sont plus adaptés à l’ampleur de nos choix technologiques et de leurs implications. Alors que les technologies occupent aujourd’hui une place centrale dans le fonctionnement de nos sociétés, nous sommes seulement en train de découvrir le caractère structurant de nos choix technologiques et donc la nécessité d’en faire l’objet d’un débat de société. Dès lors, la construction d’une nouvelle gouvernance du numérique, française puis européenne, qui mobilise tous les acteurs nécessaires au pilotage de nos réseaux, nous semble plus que jamais indispensable.
Pour rendre le système numérique européen résilient : il nous faut un plan
Sur la base de ces constats, nous formulons ainsi trois conditions nécessaires pour que le système numérique européen puisse devenir résilient :
- Bâtir une nouvelle gouvernance du numérique
- Au niveau national, initier et harmoniser les objectifs de décarbonation et les outils d’évaluation et suivis quantitatifs.
- Au niveau des territoires, donner aux élus les moyens d’organiser la concertation de la
société civile pour déterminer les usages prioritaires et modalités de déploiement. - Au niveau européen, développer des organes de gouvernance cohérents et d’une ampleur adaptée aux infrastructures de l’Union, à ses usages et ses acteurs économiques.
- Inventer les nouveaux modèles économiques
- Sortir de la rentabilisation des services par les volumes de données massifs.
- Rentabiliser les usages construits sur la modularité, l’après-première vie et l’allongement de la durée de vie des terminaux, matériels et équipements réseaux.
- Développer les outils d’un pilotage du numérique
- Fixer des objectifs quantifiés et normatifs pour le numérique, dont l’atteinte assure la comptabilité avec la trajectoire 2°C.
- Développer des outils robustes d’évaluation de l’impact énergie et carbone.
- Développer les outils de suivi permettant de mesurer les effets de la gouvernance numérique et de l’ajuster pour atteindre les objectifs.
Texte source : The Shift Project, notre de synthèse.