Comment réveiller le secteur privé européen et stimuler la croissance économique ?

Les entreprises de l’UE se développent et innovent moins que leurs homologues américaines.

Dans l’Union européenne, le revenu par habitant, l’un des principaux indicateurs du niveau de vie, est en moyenne inférieur d’un tiers à celui des États-Unis, principalement en raison d’une productivité plus faible, comme le souligne le rapport sur la compétitivité de Mario Draghi du 9 septembre pour la Commission européenne.

Mais quelle est la cause du problème ?

Comme nous le montrerons dans les prochaines Perspectives économiques régionales, le problème de productivité globale de l’Europe peut être attribué aux différences de performance au niveau des entreprises.

Parmi les grandes entreprises leaders, la productivité et l’innovation ont divergé de façon marquée des deux côtés de l’Atlantique. Les valorisations boursières des entreprises cotées aux États-Unis ont plus que triplé depuis 2005, alors que celles des entreprises européennes n’ont progressé que de 60 %. Si les valorisations peuvent refléter des attentes qui ne se concrétisent pas, notre analyse suggère que la divergence provient également d’un écart de productivité entre tous les secteurs et est particulièrement prononcée dans les secteurs technologiques.

La productivité des entreprises technologiques américaines a bondi de près de 40 % depuis 2005, mais elle n’a guère changé pour les entreprises européennes. Cette différence significative est soutenue par des efforts d’innovation bien plus importants parmi les entreprises aux États-Unis, où les dépenses en recherche et développement en pourcentage des ventes sont plus de deux fois supérieures à celles de l’Europe.

L’Europe souffre également d’un manque de dynamisme économique au-delà des grandes entreprises. On y trouve moins de start-ups et trop peu d’entre elles se développent rapidement et deviennent de grandes entreprises. Aux États-Unis, les jeunes entreprises à la croissance la plus rapide emploient six fois plus de personnes (en pourcentage de l’emploi total) que leurs homologues européennes.

Comme les jeunes entreprises prospères sont moins nombreuses, il y a également moins de grandes entreprises hautement productives par la suite. On observe en revanche une surabondance de petites entreprises et d’entreprises à faible croissance.

Le dynamisme plus faible des entreprises européennes est en partie dû aux contraintes qui pèsent sur leur croissance, notamment en matière d’innovation.

Deux facteurs clés sont la taille réduite du marché et l’accès au financement :

  • Taille du marché : Si les marchés de l’UE et des États-Unis sont comparables en termes de PNB, celui de l’UE reste très fragmenté. L’intensité des échanges entre les pays de l’UE est inférieure de moitié à celle des échanges entre États américains. Cela signifie qu’une entreprise européenne ne bénéficie pas des économies d’échelle et des effets de réseau comme le fait une entreprise américaine, ce qui est particulièrement préjudiciable dans le secteur technologique, où il est essentiel de se développer rapidement.
  • Accès au financement : au cours des deux dernières décennies, les entreprises cotées aux États-Unis ont émis environ deux fois plus d’actions par rapport à leur taille que leurs homologues européennes. Les actions sont essentielles pour financer des investissements immatériels comme des brevets ou des marques qui ne peuvent pas être donnés en garantie d’un crédit bancaire, et pour protéger ces investissements contre les fluctuations économiques à court terme. Le financement par emprunt entraîne également des taux d’intérêt plus élevés, en particulier pour les jeunes entreprises. L’investissement en capital-risque pourrait aider ces entreprises, mais la taille de ce marché dans l’UE en termes de part de l’économie ne représente qu’environ un quart de ce qu’il est aux États-Unis.

Pour s’attaquer aux causes profondes de la sous-performance des entreprises européennes, il faudra prendre des mesures importantes tant au niveau de l’UE qu’au niveau national.

L’approfondissement du marché unique européen permettrait de lever les obstacles à la croissance pour les entreprises européennes les plus productives. La suppression des derniers obstacles au commerce au sein de l’UE et la promotion de l’union des marchés de capitaux inciteraient les entreprises à entreprendre des travaux de recherche et développement et d’autres investissements qui ne sont rentables que si elles disposent d’une large base de clients.

Par exemple, investir davantage dans les infrastructures physiques pour relier les pays de l’UE et libéraliser davantage le commerce des services peuvent élargir l’accès des entreprises au marché européen. L’assouplissement des contraintes qui entravent le capital-risque augmenterait la disponibilité du financement par actions pour les start-ups et les jeunes entreprises. Les mesures comprennent l’harmonisation des réglementations qui entravent les investissements dans les fonds de capital-risque de plus grande taille et le fait que le Fonds européen d’investissement joue un rôle de catalyseur en fournissant un label de qualité, notamment par le biais de la diligence raisonnable en tant que bien public.

L’amélioration du dynamisme des entreprises nécessite également des efforts nationaux importants, à la hauteur des ambitions de l’UE. L’assouplissement des barrières administratives à l’entrée sur le marché du travail permettrait à davantage de personnes de créer des entreprises, notamment dans le secteur des services. Faciliter l’entrée de nouvelles entreprises innovantes nécessite également une réglementation du marché du travail qui protège les travailleurs, et non les emplois. Cela signifie combiner des procédures de licenciement plus flexibles avec des allocations de chômage adéquates et des politiques actives du marché du travail fortes qui soutiennent la recherche d’emploi et le développement des compétences.

Les incitations fiscales et réglementaires pour les petites entreprises devraient être temporaires afin de stimuler la croissance des entreprises. Enfin, il est essentiel de soutenir l’enseignement supérieur et de remédier à l’inadéquation des compétences pour favoriser la création d’idées par les nouvelles entreprises et l’adoption de technologies par les entreprises existantes.

L’UE doit trouver un terrain d’entente pour éliminer les obstacles aux flux de biens, de services, de capitaux et de main-d’œuvre au sein du marché unique. Ces efforts devront porter sur de nombreux domaines, notamment l’ouverture de secteurs protégés, la réduction des coûts réglementaires liés aux opérations transfrontalières, l’élargissement du marché des capitaux pour les entreprises innovantes et l’investissement dans l’éducation. Un secteur des entreprises florissant est essentiel pour réduire l’important écart de productivité et de revenu par habitant en Europe.

Source : How to Awaken Europe’s Private Sector and Boost Economic Growth