De vifs débats agitent ces jours-ci les cercles stratégiques à Washington.
Ne faudrait-il pas carrément abandonner l’Ukraine ? Faut-il vraiment protéger Taïwan ? N’est-il pas plus utile de se concentrer uniquement sur « l’hémisphère occidental » ?
Dan Caldwell et Jennifer Kavanagh sont parmi les partisans les plus radicaux de cette révision doctrinale.
Pour comprendre quelle forme pourrait prendre la nouvelle posture des forces américaines, nous les avons rencontrés.
La politique étrangère est probablement l’un des sujets sur lesquels la coalition trumpiste est la plus hétérogène.
Trois courants s’y affrontent : les « primacists » — partisans d’un interventionnisme planétaire et héritiers des néoconservateurs —, les « prioritizers » — partisans d’une « priorisation » des ressources militaires vers l’Indopacifique — et enfin les « restrainers » — partisans d’un retrait stratégique total vers « l’hémisphère occidental ».
Dan Caldwell et Jennifer Kavanagh sont de cette troisième faction, l’une des plus émergentes à Washington, et ont fait récemment parler d’eux en produisant une longue note visant à influencer la prochaine doctrine américaine de déploiement des forces dans le monde — intégralement traduite et commentée dans la revue.
Dans quelle mesure leur vision radicale préfigure-t-elle la stratégie de défense nationale que l’administration s’apprête à publier ?
Les informations qui ont fuité indiquent d’ores et déjà que l’accent sera mis sur la sécurité intérieure et « l’hémisphère occidental » 1 — au détriment de l’Europe et même de l’affrontement avec la Chine.
En tant qu’ancien conseiller spécial de Pete Hegseth, évincé à la faveur de luttes internes au sein du Pentagone, Dan Caldwell cherche désormais à influencer l’administration de l’extérieur en misant sur sa proximité avec Elbridge Colby et J. D. Vance 2.
Au sein de son think tank Defense Priorities, Kavanagh mobilise quant à elle sa crédibilité de chercheuse pour imaginer les détails d’un grand retrait stratégique américain.
Si la stratégie nationale de défense risque d’être moins ambitieuse que leurs propositions, les visions des deux auteurs, alignées sur celles de la base du parti, représentent très probablement l’avenir de la pensée stratégique républicaine : un positionnement radical et révisionniste aussi bien sur l’Ukraine que sur l’Indopacifique — où l’abandon de Taïwan à la Chine est désormais une option explicitement envisagée.
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